Vous avez peut être déjà entendu parler de la campagne contre les touchers vaginaux sous anesthésie générale. Si ce n'est pas le cas, en voilà un bref résumé : un document de l'université Lyon I indique que les touchers vaginaux peuvent être appris "au bloc sur patiente endormie". Aux questions légitimes concernant le consentement de la patiente, ou plutôt son absence, on a répondu que ça n'avait jamais existé. Pourtant les témoignages existent et le mépris de certains médecins fait froid dans le dos. Et la doyenne de l'université Lyon I a commencé par dire "On pourrait effectivement demander à chaque personne l’accord pour avoir un toucher vaginal de plus mais j’ai peur qu’à ce moment-là, les patientes refusent."
Clara de Bort, directrice d'hôpital, Marie-Hélène Lahaye, du blog Marie accouche là et Mme Déjantée, présidente des vendredis intellos, ont alors décidé de rédiger une tribune afin d'interpeler la ministre de la santé sur ce sujet. Vous pouvez trouver un résumé de cette histoire et des différentes réactions sur le site des vendredis intellos en deux parties, ici et là, ainsi que la chronologie des différentes actions par Clara de Bort ici et là. Vous ouvez également signer cette pétition qui reprend le texte de la tribune et qui est adressée à Marisol Touraine, ministre de la santé, et Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
La réaction qui m'a le plus agacé, de la part de certains médecins, c'est "si on arrête, on ne pourra plus se former correctement". Je pense que l'immense majorité des femmes est d'accord pour participer à la formation des médecins de demain A CONDITION QU'ON LEUR DEMANDE !! Personnellement, le jour de mon accouchement, j'ai accepté sans souci que les touchers vaginaux soient faits en double, par une étudiante puis par la sage femme. Quant à celles qui refuseraient, c'est leur droit !!
Au delà du seul cas du toucher vaginal (ou rectal) sans consentement sous anesthésie générale, on peut se poser beaucoup plus largement la question du consentement en médecine. Ma première réaction, quand je m'interroge sur la question, c'est de me dire que j'ai eu de la chance. Ma première gynéco a pris le temps de m'expliquer (sans le pratiquer les premières fois) ce qu'était un examen, un frottis, le fonctionnement de la pillule (bon, elle refusait quand même de poser un stérilet à une nullipare...)... J'ai été suivie, lors de ma première grossesse, par une équipe super, et je refais ici l'éloge de la maternité des Lilas (toujours menacée de fermeture...). J'y ai refait un petit séjour il y a quelques jours (rien de grave) et j'ai à nouveau pu apprécier l'équipe de la maternité, et le respect pour les patientes. Un simple exemple : les gens qui frappent au porte avant d'entrer et le refus qu'une nouvelle personne entre pendant un examen. Et un protocole qui prend en compte le ressenti de la patiente et pas seulement les relevés du monitoring.
Mais je me suis rendue compte peu à peu que ce que je considérais comme des évidences n'en sont pas. Que pour avoir droit à la même chose, certaines de mes proches ont du se battre. Des anecdotes, j'en ai malheureusement beaucoup trop. Ma belle soeur qui dit qu'elle envisage d'accoucher sur le côté et la gynéco qui lui répond "n'importe quoi, c'est un délire de sage-femme, pourquoi pas sans péridurale tant que vous y êtes ?". Une copine de blog qui refuse un examen mais que le médecin décide de lui faire quand même parce que de toute façon elle est anesthésiée elle ne peut pas bouger. Ma tante qui doit se battre pour mettre ses filles au monde par voie basse parce que "avec des jumelles, une césarienne c'est mieux". Ou le témoignage d'une sage femme, dans une clinique privée, qui doit impérativement appeler l'obstétricien pour l'accouchement, et l'obstétricien qui utilise automatiquement les forceps, même quand c'est inutile. Les anecdotes rapportées sur twitter avec #PayeTonUtérus font également souvent froid dans le dos.
Pour toutes ces femmes, Anne-Charlotte Husson, du blog Genre!, et les trois initiatrice de la tribune citée plus haut ont créé le tumblr "je n'ai pas consenti" et le hashtag correspondant sur twitter. Parce que je ne devrais pas considérer que j'ai eu de la chance. Parce que le consentement de chaque femme doit être pris en compte.
Et un consentement qui doit être éclairé, c'est-à-dire précédé d'une information complète. Quand la seule information que donne l'anesthésiste sur la péridurale c'est "la péridurale, c'est bien, ça ne sert à rien d'avoir mal et elle facilite l'accouchement", puis "c'est mieux pour la mère et pour le bébé", peut-on parler de consentement éclairé? Quand un pédiatre, en fin de rdv, me dit "j'ai fait l'ordonnance pour le BCG qu'on fera la prochaine fois" sans aucune explication, peut-on parler de consentement élcairé ? J'ai la chance d'avoir pu bénéficier par ailleurs des informations nécessaires pour que je puisse prendre ma décision, mais le médecin n'a pas joué son rôle à ce moment là.
Autre aspect des choses que j'avais envie d'aborder ici. Je suis entourée de médecins et de personnel soignant, que j'ai cotoyé aussi pendant leurs études. Mon mari est infirmier. Il travaille depuis quelques années au bloc opératoire. Je ne veux pas diaboliser la réalité, la plupart des médecins et du reste du personnel sont respectueux, mais les excès arrivent, et ne sont pas isolés. Pas de gestes invasifs comme des touchers vaginaux, mais des plaisanteries de mauvais gout sur des patients, un chirurgien qui opère alors que c'est un autre chirurgien qui est censé le faire, l'ensemble d'une équipe qui défile pour venir voir le sexe opéré d'une transexuelle, voire des erreurs médicales cachées aux patients, il en a été témoin. Et une fois dans "l'ambiance" du bloc, il est parfois difficile de prendre suffisamment de recul pour se rendre compte que non, ce n'est pas acceptable. Il souligne également qu'il y a souvent entre médecins une "solidarité déplacée" qui les poussent à ne pas dénoncer les erreurs ou problèmes éthiques de leurs collègues. C'est pour ça qu'à mes yeux il est fondamental que des patients, des non médecins s'intéressent à ce qui se passe dans les hopitaux et aient leur mot à dire. Pour aider le personnel soignant à prendre du recul. En respectant le travail des médecins, et en prenant en compte que ce sont malheureusement parfois leurs conditions de travail qui les poussent à des actes problématiques. (c'est moins le cas au bloc, j'ai l'impression, mais dans les services, les actes sont parfois faits à la chaine, sans les explications et le respect nécessaire, par manque de temps).
Voilà ce que j'avais à en dire mais vous pouvez également trouver sur différents blogs des témoignages de soignants sur l'apprentissage du toucher vaginal ou rectal ou sur le consentement, que ce soit une sage femme, une externe, un autre externe, ainsi que les réactions d'autres blogueuses comme A contrario, la mite orange, une jeune idiote, Sandrine Donzel, etc.